Feu, Léopold Sédar Senghor, premier président de la République du Sénégal indépendant, misant sur l’éducation, la formation et la science, pour prévenir le futur, a créé l’Ecole polytechnique de Thiès (Ept). Le président Senghor posait ainsi un acte qui nous vaut aujourd’hui d’être dans la marche des nouvelles techniques de l’information et de la communication. Dans ce millénaire, les Tic dirigent et font évoluer la planète. Le président-Poète qui a fait un bon ménage de la culture et de la pensée, a franchi le pas qu’il fallait, dans les métiers. L’Ept est née, dans un contexte, certes, où cette force du numérique, cette tête bien pleine des sciences de l’ingénieur, n’avait pas encore bouleversé le monde.

N’empêche, ayant une claire vision de ce qu’il voulait de bon pour le Sénégal, le président Senghor prit un décret le 23 mai 1973, pour créer l’école polytechnique. Le Canada comprend la vision et accepte, par le biais de l’école polytechnique de Montréal, le parrainage durant les phases de son implantation progressive. C’est le grand départ de ce qui est devenu aujourd’hui un fleuron et une fierté sous-régionale. 43 bougies après ce legs « senghorien », que reste-il à sauvegarder ?

Je me suis permis cette contribution si modeste soit-elle, pour tout simplement toucher un patrimoine fort envié. Pour avoir eu, en tant que journaliste en poste dans la région de Thiès, le privilège de couvrir toutes les étapes de l’évolution de l’Ept. Mon incursion dans ce haut lieu du savoir remonte à l’époque des militaires. Hé oui. Quand l’Ept est créée, elle fut placée sous la double tutelle du ministère de l’Education nationale et celui des Forces armée et en 1982, elle passe totalement sous la tutelle du ministère des Forces armées jusqu’en octobre 1991. Le Général Mouhamadou Mansour Seck, chef d’état-major général des armées, de l’époque (il va peut-être lire cette modeste contribution) avait présidé la cérémonie de retrait des cadres dirigeants et militaires. Le ministère de l’Education nationale prend alors la tutelle de l’Ept qui fut rattachée à l’Université de Dakar le 25 mai 1992 avant la fusion, en 1994, avec la division industrielle de l’Ensut et la section technique industrielle de l’Ensetp pour former l’École supérieure polytechnique (Esp) de l’Ucad comprenant le centre de Dakar et celui de Thiès. En 2007, c’est la nouvelle université de Thiès qui absorbe l’Ept. Le mariage a duré le temps d’une rose avant, qu’en 2009, l’Ept ne fut détachée de l’Ut. L’école polytechnique reprend ainsi son autonomie sous la tutelle directe du ministère chargé de l’Enseignement supérieur. Voici quelques étapes qui ont marqué l’évolution institutionnelle et structurelle de l’école polytechnique de Thiès qui, malgré ses nombreuses mutations, n’a jamais cessé d’être leader dans son domaine.
Depuis sa création, l’Ept a formé beaucoup d’ingénieurs de conception et tout récemment, le 01 août 2015 plus exactement, les premiers en génie informatique et télécommunications, avec une formation innovante effectuée en alternance Ecole-Entreprise qui permet de régler définitivement le problème de l’adéquation formation-emploi. Ces cadres de haut niveau, contribuent efficacement à l’émergence de leurs pays. L’école polytechnique forme aussi des étudiants de nationalités étrangères. Elle est bâtie sur 64 ha et continue d’être le phare de l’enseignement supérieur du pays et de la sous-région. Les cours dispensés sont des sciences de l’ingénieur en génie civil, génie électromécanique et informatique et télécommunications. Au bout de cinq années de dures études, les étudiants sortent avec un diplôme d’ingénieur.
Ce parcours du combattant est assez révélateur de la rigueur qui entoure l’espace pédagogique de l’Ept. Alors, reprenez conscience de ces acquis et fêtes revivre ces moments qui marquaient la vie de l’Ept. On peut retenir les journées culturelles et scientifiques qui regroupaient toutes la famille polytechnicienne, invités et partenaires. Tout y passait pour faire vivre le campus social. Le concours polytech-innovation est également inscrit dans l’agenda, sans oublier les grandes conférences et le salon annuel sur la géomatique. C’est tout ce legs et tant d’autres tissus d’excellence qu’il faut sauvegarder à tout prix. Le bébé a grandi. Forcément, il faut qu’il traîne des lacunes. Mais il faut s’asseoir, discuter entre acteurs pour toujours améliorer, rectifier, amender et avancer. Nous ne sommes que des mortels. Et devons œuvrer pour construire, améliorer et tout sauf détruire un patrimoine commun. Ni la postérité, ni l’histoire, ni les générations futures ne nous le pardonneront.
L’Ecole polytechnique de Thiès a déjà résisté et échappé à la guillotine face aux multiples mutations et changements de statuts. Cette époque faite d’incertitudes, de turbulence était bien dépassée, pensions-nous. Car non seulement les cours ont repris avec ces épisodes bien douloureux des années 2010 2011, l’Ept a renoué avec son lustre de naissance. En effet, pour la première fois de son histoire, l’Ept a été dotée d’un plan stratégique pour le développement et j’en parle en connaissance de cause pour avoir participer aux journées de réflexions qui ont permis à son élaboration. Je suis aussi témoin, depuis ces trois dernières années, des mutations profondes que l’école est en train de subir et évidemment dans la bonne direction ; de deux filières de spécialités pendant quarante années d’existence (1973-2013), l ’Ept compte actuellement 4 filières de spécialité dont la dernière-née est la filière aéronautique en partenariat avec l’Ecole de l’Armée de l’Air (Eaa). Le premier investissement de l’état du Sénégal, en infrastructures depuis le temps des canadiens, vient d’être fait avec la construction d’un bloc administratif d’un montant de 150 millions de FCfa et qui va permettre d’accroître la capacité d’accueil dans la pédagogie. A ces nouvelles acquisitions, il faut ajouter la construction de 8 nouveaux laboratoires et un nouveau pavillon pour les étudiants d’une capacité de 200 lits, la réhabilitation de salles de classe, les équipements de laboratoires et des ateliers ainsi que les équipements informatiques. Nous avons vu tous ces chantiers sortir de terre lors de la caravane du ministère de l’Enseignement supérieur, le 12 octobre 2015.
Je suis également témoin des activités de recherche qui se développent actuellement à l’école et je vais juste noter des actions que j’ai constatées sur le terrain en énergies renouvelables mais sur l’installation d’un bio-digesteur pour la production du biogaz, chose qui m’intéresse particulièrement pour avoir couvert et suivi les premiers projets de biogaz dans la région de Thiès. Le cadre stabilisateur qui a régné ces dernières années a fait que la cérémonie de remise des diplômes aux ingénieurs, repportée depuis 10 ans, a repris du service. Voilà l’image de retour à l’orthodoxie et au lustre d’antan qu’il faut souhaiter à l’Ept. Un établissement qui doit toujours être au service de l’émergence, vu sa place et son rôle.

Cheikh Fall, journaiste
Le Soleil, 18 janvier 2016