Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le Pr Mary Teuw Niane, a reconnu que l’insertion des diplômés des universités publiques reste un défi, surtout que 70 % des étudiants sont des littéraires. Toutefois, le ministre croit que les choses vont évoluer avec l’ouverture des Isep, la professionnalisation des filières.

Monsieur le ministre, votre département est en train de construire des infrastructures pour augmenter la capacité d’accueil. Mais comment comptez-vous résoudre l’équation de l’insertion des diplômés ?

 Nous avons un passif. Nous sommes héritiers du système français. C’est un système généraliste. Le système a évolué par étape avec l’Ut qui a donné l’Ensut et l’Ecole supérieure polytechnique (Esp). La création de l’Ecole polytechnique a été un moment d’histoire. L’Ecole polytechnique, c’était la formation des ingénieurs de conception. Jusque dans les années 90, l’essentiel des ingénieurs de conception en Afrique francophone étaient formés à l’Ecole polytechnique de Thiès. J’ai rencontré plusieurs officiers supérieurs du Burkina Faso qui furent mes étudiants à l’Ept. Mais à un moment, le Sénégal a opté pour une formation massive, c’est ce qui explique la massification des Facultés des sciences juridiques et politiques, des Lettres et de la Faseg. Maintenant, il faudra inverser la tendance. On a 70% de bacheliers littéraires.

Comment répondre aux besoins en formation de ces littéraires ?

L’idéal, c’est d’avoir 30% de littéraires et 70% de scientifiques. Aujourd’hui, le défi, c’est de faire l’enseignement professionnel avec 70% de littéraires. C’est un choix du Sénégal. Il faut faire des investissements énormes. Il faudra que les structures de l’Etat chargées de piloter ces constructions soient performantes. Il y a des endroits où on a de bonnes performances, dans d’autres il y a des retards enregistrés dans la construction des infrastructures. Il nous faut un suivi des constructions pour atteindre des résultats. Nous devons avoir une conscience positive de ce qu’on doit faire pour notre pays. Cela est en train de changer. Mais il faut que cela aille encore plus vite.

Quel est le profil de l’université du futur du Sénégal ?

Il y aura des universités du futur du Sénégal. Parce que chaque université a une personnalité propre. Je ne parle pas du cadre architectural, mais du type de filière. Vous avez un bon socle pour ce qui concerne l’agroforesterie et des langues et un bon socle de relations avec les communautés à l’Université de Ziguinchor. Son antenne de Kolda aura une vocation agro-sylvo-pastorale. Mais sa personnalité sera bâtie autour des sciences humaines, surtout la psychologie, ce sont des métiers transversaux. Avec le drame de Mina, on voit la place que doit occuper les psychologues pour accompagner les familles. Il faut des psychologues conseillers dans les écoles et entreprises.

L’Université de Bambey aura des relations avec la société avec son Ufr en santé communautaire. Cette université est le premier choix de beaucoup de bacheliers. C’est une université qui va monter en puissance avec le développement des sciences médicales et des technologies. A l’Université de Thiès, ce sont des technologies, avec l’Ecole polytechnique, ce sont aussi des sciences de l’ingénieur avec l’Ensa. Cette école est accompagnée pour qu’elle prenne plus d’étudiants au concours d’entrée.

A côté, il y a aussi l’Isep de Thiès, avec des formations de courte durée sur une diversité de métiers. L’agriculture a été une priorité de tous les gouvernements depuis les indépendances. Mais nous avions peu formé des ressources humaines. Jusqu’en 2010, entre 15 et 20 ingénieurs sortent de l’Ensa et 15 à 20 autres à l’Ecole des cadres ruraux de Bambey qui est devenue l’Institut supérieur de formation agricole et rurale (Isfar). Cela est insuffisant. Il y a Saint-Louis qui a ouvert l’Ufr Agro.

Il en est de même pour Ziguinchor et récemment de l’Ucad. Nous aurons donc plus de personnes formées dans le domaine de l’agriculture chaque année.

L’Université de Saint-Louis est orientée vers la professionnalisation depuis sa création. C’est elle qui a généralisé les Unités de valeur. Elle a aussi développé les relations avec le monde socioéconomique. Saint-Louis devient comme Dakar une université complète avec un effectif réduit. Elle essaie de garder son label d’excellence.

Dans les années à venir, les universités de Thiès, de Bambey et de Ziguinchor vont essayer de s’affirmer. L’Université de Dakar a la masse critique d’enseignants. L’enjeu, pour l’Ucad, c’est d’entrer dans le classement des 100 meilleures universités du monde. Les universités du Sine Saloum et de Diamniadio vont renforcer la diversification des filières de formation. La nouveauté, c’est la compétition entre les universités. Les nouveaux bacheliers choisissent l’université où ils veulent poursuivre leurs études.
Le gros problème, nous n’avons pas assez de Pme et Pmi pour absorber la masse de diplômés.

Propos recueillis par Idrissa Sané
Le Soleil, 20 octbre 2015